LE QUARTERON D'EPINGLES !
Des toilettes hardies déjà , suffisent parfois 1'église ! Sans aller , comme le vénérable Delavaud , curé du Perrier , jusqu'à interdire la sainte Table aux femmes que ne coiffait pas ...le capot ..., Mr Jodet tenait la main à ce que la modestie demeurât intacte ! Le moindre accroc en cette matière , le trouvait d'attaque :
Vers la fin de l'empire , Soullans avait reçu un nouveau notaire . Mr Guyon .Un dimanche , la notairesse n'eut-elle pas la fantaisie de montrer à la Grand Messe un corsage d'échancrure insolite !
Le précédent que cela pouvait créer n'alla pas loin
Les annonces du Prône bâclées , le curé marqua un silence et les yeux de la foule se tendirent vers la chaire . En deux phrases l'affaire fut vidée :
J'ai lu que le plus aimable des saints , St François de Sales , recevant
la visite d'une dame qui lui parut trop décolletée , lui tendit malicieusement une épingle....
S'il revenait aujourd'hui et regardait ou je regarde ,
ce serait un quarteron qu'il lui faudrait ....
Au nom du Père et du Fils et du St Esprit ...
Mr Jodet.... et la République
En I878 ...c'est le triomphe de la République des républicains !
Des opportunistes surgissent parmi les conservateurs pour prôner une politique
de laisser passer sinon de ralliement ...
Pour Mr le curé Jodet , la Troisième République se fondait sur des conceptions
anti - chrétiennes et son âme secrète se trahissait dans le mot dit du Catholicisme par Gambetta :
Voilà l'ennemi !
le dimanche de la Quasimodo , éclata , public , son désaveu de ceux de ses Soullandais qui voulaient se faire les fourriers de la démocratie :
Ce que vous ont chanté de bons apôtres est une erreur . Non , non et non un Catholique ne peut pas être républicain En vous parlant ainsi votre curé sait ce qu'il dit , sait ce qu'il fait . Et il y a garde qu'il cède à un parti pris ! Ce qu'il vous enseigne , il a dû l'apprendre le premier , puisque , comme vous l'avez bien entendu javasser , il est sorti d'une race de patauds qui , à la Révolution. , chantèrent au lutrin d'un prêtre jureur , le pauvre M. Denogent , et furent du bord des bleus ....
En effet , à la Révolution , son père et ses oncles , bien que profondément croyants à Notre Dame de Monts , avaient suivi leur curé Mr Denogent dans le schisme constitutionnel ... Et c'est au cours de ses études à la Garnache que Mr Jodet , comme il aimait à le dire , avait buffé sur la patauderie !
Mais jamais , peut-être le peuple soullandais ne fut plus fier de son curé que ce Dimanche de la Quasimodo I880 ... !
Mr Jodet .... et le Progrès !
Toutes les améliorations apportées à Soullans de I840 à I890 eurent son loyal suffrage . Mais sans ivresse"Les inventions disait-il , ne sont pas le paradis et par leur moyen , les hommes se donnent l'illusion du progrès , de la même manière qu'une petite fille à qui l'on a apporté une ballote neuve pour sa part de foire , croit en s'amusant , jouer à un nouveau jeu ! L'orgueil que nous avons aujourd'hui de notre temps les anciens l'avaient hier et les jeunes l'auront demain .Vos froments vous font sourire de la baillarge des aïeux . Qui sait si vos enfants ne mépriseront pas vos belles fournées !? Quand je suis arrivé à Soullans , les courriers laissaient ,en 8 jours , pour cette paroisse , à la poste aux lettres de Challans , une moyenne de 20 paquets et je me souviens pourtant que le bonhomme Pivoin , qui allait les quérir deux fois la semaine , s'exclamait : C'est inouï comme l
correspondances sont devenues nombreuses !.. Les lettres se sont multipliées et peut être se multiplieront elles encore ! sans que varie le refrain de notre piéton de jadis ...Nous nous complimentons de nos routes ! eh bien je gagerais que dans 50 ans la jeunesse ne se gênera guère pour trancher : Quelles piètres sorties avaient donc ces gens d'autrefois !!! Les inventions ne font rien au bonheur : commodités passagères , on a tort de les baptiser du nom de progrès , car le progrès c'est seulement ce qui rend meilleur le cœur du chrétien
LE CHEMIN DE FER A SOULLANS !
En I872 , le tronçon de voie ferrée qu'il restait à percer de Machecoul à la Roche , par Soullans , fut mis en chantier..
Consciente des intérêts économiques de la commune , la Municipalité , consentit à cette occasion , à titre d'encouragement , la minime subvention de 14 centimes par cote , pendant 5 ans !
Le croirait - on ! Ce fut un tollé général parmi les habitants du Champ !
Au lieu d'approuver , la Commune aurait dû faire opposition à l'entreprise !
Le train : ça allait mettre le feu , ça allait affoler les bestiaux au pacage .
Quoique la chose ne les touchât point les Maraîchins par solidarité Fraternelle , firent écho aux doléances .... Tant et tant que la Commune , sommée par les Autorités de hausser sa primitive subvention , refusa net le 6 Avril I873 ! La fermentation populaire ne s'apaisant pas , Mr Jodet se décida à dire son mot
la Grand Messe , un dimanche :
vous avez tort de vous entêter dans une querelle sans issue . Savez vous pas que la raison commande de subir ce qu'on ne peut empêcher ?
Or la ligne est irrévocablement décidée comme nécessaire au commerce de nos pays . La peur que vous montrez des incendies , la crainte que vous imaginez de la follaison des bêtes : tout ça , c'est des sornettes ..Il y a ailleurs et depuis longtemps des trains qui en font la preuve...
Je regrette que le vrai danger de la Ligne vous ait échappé ; un danger bien haut pourtant puisqu'il regarde les âmes ..Apprenez aujourd'hui ce danger afin de vous en souvenir , le moment rendu :
Le train ne charroiera t'il pas un jour , à la perdition des villes vos gars et vos filles ? Ce souci vaudra mieux que la vaine émotion ou vous vous égarez ...
Ce n'était peut-être pas parler en avocat...cependant , la cause se trouva gagnée !
D'ailleurs, Mr Jodet donnera l'exemple : le 27 Mai I877 , la Fabrique cédera 2I, 50 ares de terrain à la Compagnie de Chemin de Fer Nantais pour l'établissement de la Ligne ...Le 2 Janvier I887, le Conseil de la même Fabrique acceptera la cession à l'état d'une parcelle de terrain de I54 mètres carrés pour l'agrandissement de la gare de Soullans !!
Le Ier Janvier I888 : C'est un crédit de 200 fr. qui est consenti pour la participation de la Paroisse à l'établissement d'un chemin vicinal dans le quartier du Soullandeau...
Mouvement ne dit pas pour autant : rupture avec le passé ! Mr Jodet n'aimait il pas à répéter : que la tradition était le garde fou aux bords du pont ... Et se montrait méfiant sur les bords pour toutes les innovations ...La parure d'une église , aimait il répéter : C'est le peuple qui l'a remplit . Le propos bien sûr n'était pas exclusif dans sa pensée de la beauté matérielle ! L'église de Soullans manquait sûrement de cette dernière ! De plus elle nécessitait de nombreuses réparations et coûteuses et à répéter chaque année : la liste en est gardée aux archives paroissiales .
LA FERME DU PIN
En I860 ,le 2 7 Décembre la Fabrique de Soullans récupère de Mr LEROUX de Commequiers sa ferme du Pin . Elle était affermée à Pierre Vrignaud, moyennant un fermage annuel de I 800 Fr. , 2I hectolitres de blé et II hectolitres de seigle .
le IO - 8 - I864 , le bail lui est renouvelé pour une durée de I8 années ..Le fermage annuel passe à 3 I50 Fr.
Par la suite , ce sera en I868 , un procès opposera la Fabrique à son fermier . Pierre Vrignaud s'opposant à la distraction de plusieurs parcelles de la métairie , afin de doter actuellement la cure du terrain nécessaire pour nourrir convenablement les animaux dont Mr le curé a besoin , se verra débouté de sa plainte et condamné à la restitution des parcelles par lui injustement possédées , à 1000 Fr. d'amende en dommages intérêts et aux dépens !.....
En I882 , le 1 er Janvier , après la mort de Pierre Vrignaud , la famille du défunt ayant refusé de rester dans la métairie , le Pin est affermé aux époux Benjamin Vrignaud , moyennant un fermage annuel de 3 700 Fr. ... Le 4 Nov. I89I , le bail sera , consenti à la veuve de Benjamin Vrignaud et à son fils pour 3 250 Fr. ... Le 10 - 4 - I90I , il le sera : à Henri Grondin et Marie Rose Vrignaud , sa femme moyennant un loyer annuel de 3 100 Fr. ...( Hélas , elle sera vendue le 27 - 8 - I906 . )
En attendant c'est une rentrée de fonds qui rassure les finances de la Paroisse !!
Mr le curé songe tout d'abord à son église ...Son idée première était d'exhausser la nef médiane et de l'ajourer de verrières et de rosaces ! Les plans sont même exécutés par l'architecte Clair . Mais resteront dans les cartons !
Les vicaires , eux , pensent à relever le décorum des cérémonies...Le curé , lui , se dira toujours agacé par ces fêtes à grands apprêts , ces solennités de circonstances , ces mariages à tralala , ou on donne plus au monde qu'au bon Dieu .
En attendant les vicaires surent se faire convaincants .
Depuis bien longtemps , le lutrin n'avait pour guider l'élan des chantres , qu'un serpent , un énorme et rustique serpent de laiton dans lequel l'organiste s'époumonait à souffler .
En 1865 le vicaire Pierre Charrier , très musicien , décida Mr le curé à l'achat d'un médiaphone Alexandre ,qui a servi sans désemparer jusqu'en I967 , et est maintenant à la retraite dans la 2 ème classe de l'école des garçons ! L'organiste en fut longtemps feu Henri Puiroux ...plus récemment Mr Narcisse Crochet ... lui aussi en retraite bien méritée .
C'est également de cette époque que date l'équipe des premiers Enfants de Chœur de Soullans . Avec les successeurs de Mr Clavier : Mr l'abbé Guibert et les autres : Soullans vit défiler aux grand messes : la théorie de clergeons ensoutanés de rouge ... Ce qui faisait dire à Mr le curé : "vous aimez donc bien les bouquets de pabous !"
Avec Mr l'abbé Mercier , plus tard , les choristes seront même engainés d'aubes blanches et ceinturés d'écarlate .... comme à Paris .
LES OEUVRES DE PIETE
Les vieux saints , dit on , valent bien les nouveaux .
Soullans avait ses vieilles confréries de piété : Les Compagnes de Marie fondées par Mr Coupperie , la Confrérie du St Sacrement si fleurissante sous Mr Baud .
Pour répondre au goût du jour : et se fondre dans le courant diocésain : Les Compagnes de Marie deviendront : Les Enfants de Marie et L'Association des Mères Chrétiennes .
On commençait à l'époque de parler d'Auray et d'Ars , de son curé et de sa Sainte privilégiée : Ste Philomêne .Une de ces dévotions nouvelles obtint de Mr Jodet , de faire admettre aux derniers piliers du Chœur les images de Ste Anne et de Ste Philomêne ! Quoique ces dévotions de vogue ne l'attirassent point !
Par contre ! Mr Jodet avait toujours rêvé d'enrichir son église d'une parcelle de la Vraie Croix et de reliques de St Hilaire ! Dès I842 , il s'était , en ce but , perdu en démarches . Sans réussite Il attendra IO années cette pieuse satisfaction ..Elle lui viendra de Jean Pierre Massonneau .
Jean Pierre Massonneau était le fils de Jacques Massonneau : le maire de Soullans de 18I6 à I830 .. et régisseur des Biens de la Minée appartenant à Mr Badereau . Ce Jacques Massonneau , marié très tard ( à 50 ans ) avec Louise Burgaud avait eu 3 enfants : deux filles dont l'une Eléonore Aimée épousa Henri Puiroux ..et Jean Pierre
Sujet brillant , apprenant tout ce qu'il voulait , rêva un temps du Séminaire , puis tâta de métiers divers ,non sans donner du fil à retordre à son bonhomme de père ... Il finit par s'engager au 2 ème régiment de génie militaire . Promu sergent fourrier , il fut détaché au Corps expéditionnaire entretenu à Rome , depuis l'affaire Mazzini par le Gouvernement français ..
C'est ainsi qu'un beau jour de I853 , il rapporta à son curé ravi : 4 petits ovales d'argent( encore au Trésor de la Sacristie ) contenant :
Une parcelle de la Vraie Croix
Un morceau d'os de St Hilaire
Deux fragments de l'autel de St Pierre et du linceul de St Louis de Gonzague . Le tout dûment authentique par le sceau du Cardinal Patrizzi ..
Précieuse largesse qui devait être le suprême adieu de Jean Pierre Massonneau à l'église de son baptême et au petit Soullans de ses aïeux ...Roulé dans l'expédition de Crimée , il succomba , à l'ambulance , du choléra le 5 Mai I855 , 4 mois avant la prise de Sébastopol ! !
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