Le Gouvernement provisoire de la République décréta des élections au suffrage universel ..Pour la Vendée : il fallait élire 9 représentants à l'Assemblée Nationale! Avait-on peur de la réaction campagnarde ? Voulait on écarter de l 'urne la masse des ruraux ....catholiques ? Toujours est-il que la loi décréta que le vote eut lieu au chef-lieu de canton ...et le jour de Pâques 1848 !
Mr Jodet ne fut point dupe de la manigance . Le Dimanche des Rameaux ,il annonça du haut de la Chaire , que la Grand Messe de Pâques serait chantée à 7 heures ! Et qu'à l'issue de l'Office tous les hommes s'en iraient paroissialement : mettre le bon billet dans la boite de vote au canton ...

Il n'en fallait pas davantage .Cette fête de Pâques du 23 Avril 1848 , vit un spectacle sans précédent et qui ne se vit plus : celui de l'armée des électeurs soullandais lancée à l'assaut d'un scrutin ; curé et vicaire en tête de colonne ! Noble souci , bien sûr , de barrer le chemin à l'anarchie !

A l'occasion de cette fameuse élection : une scène est à relever que racontaient jadis les témoins de l'époque ...et qui ne manque pas de couleur
Le scrutin clos , il avait duré longtemps , il fallait procéder au dépouillement . Pour aller vite il fallait s'y mettre à plusieurs groupes . Le bureau de vote était tellement encombré : qu'il s'avérait nécessaire d'aller dans une autre salle ! En soi , la chose était des plus simples ! Mai voilà que des grincheux et des tatillons objectent que le transfert de L'urne en une autre salle pour y prélever partie des billets l'exposerait à être offensée et qui sait ? à être violée ! Agacé du lanternage , Mr Jodet intervint il cavalièrement :

Messieurs , votre délicatesse vous honore ...! Mais voudriez vous nous faire coucher ici par hasard ? Je fais mon affaire de vos scrupules .Passez moi la boîte et je voudrai biens voir le gars qui viendrait me la prendre ! Au reste les Soullandais m'accompagneront .
Que ce brave gendarme qui baille en son coin me conduise ou il faut aller...

Les officiels , décontenancés de ce coup droit , rassurés aussi par la colossale carrure du bonhomme acquiescèrent Et comme il avait été promis , il fut fait .
On aurait dit quasiment ... la procession du Sacre , concluait malicieusement le bonhomme Trichet de Bel Air , en terminant son récit de l'aventure .
A noter toutefois que pour les Soullandais , en ce temps là , la conquête du suffrage universel n'était pour rien dans cet enthousiasme ! Le scrutin en leur pense ne valait qu'en fonction de l'intérêt social ou religieux ... Lorsque les élections revêtiront un caractère purement politique : plébiscites du 2O -I2 - I85I et 22 - 11 - I852...les votants n'atteindront même pas au tiers des inscrits !
Par contre sitôt que la question religieuse se trouva mise en cause , par les menées anti-romaines de 1'Empire à son crépuscule : tout changea ..On le vit bien lors de l'élection qui affronta Mr de la Poëze , le chambellan de Napoléon III , candidat officiel ... et le comte de Falloux : le père de la Loi de la liberté de l'enseignement ...
Après I870 : ce fut la naissance et la croissance de la 3ème République qui ,par nature ,s'avéra moins une forme politique qu'une Contre - Eglise ...avec des luttes autrement âpres ! Sans répit , de législature en législature , les Soullandais auront à défendre leur héritage de croyances à coup de bulletins de vote ..Non pas dans l'ombre mais en plein jour et sous un chef qui ne biaisait jamais .
Ce Jodet ! Grand électeur , de la commune ! comme grognait en sa hargne dépitée Jacques Naulleau .

Mr Jodet et ses Chevaux !

Ses connaissances de chevalin étaient grandes et universellement reconnues en Marais ... Ce qui lui valait de fréquentes consultations ...que Mr Jodet , on s'en doute , donnait sans complaisance...si la pouliche était mal racée et sans avenir:
Votre cavale , mon bonhomme ! une bourrique bonne à Jean le Sot !
Ses tournées paroissiales , il les faisait , à l'ancienne mode : a cheval .Et cette habitude , il la garda jusqu'aux alentours de I880 .Il avait alors 72 ans !
Deux de ses montures sont restées longtemps légendaires Pouvrelle issue de l'antique race maraîchine au nez busqués et Black Eyes , grande jument bai qui avait une étoile au front et les pieds blancs..... Le long des chemins de sable ou des charauds d'argile , l'écuyer menait bon train comme un veneur que grisent la poursuite et le vent :

Quand. il passait rapide
On disait :
C'est un cavalier splendide
Que Jodet !
75 Chantera , pour les noces d'or en I882 , le bonhomme de Vairé , Mr Anselme Fuzillier!
Ce même jour ,Mr Chatry , curé de St Memin , faisant toujours allusion au talent d'équitation de Mr Jodet et à sa parfaite connaissance du cheval , rimera sa Ballade du Cheval

Cheval de curé
Je conduis ce pasteur d'âmes
Partout ou l'appelle son cœur
Et , près de lui , je sens des flammes
Qui me donnent un train vainqueur.
Ainsi je permets au vieux prêtre
De prolonger ses jours vaillants
Si vous voulez bien me connaître
Parlez(bis) au Curé de Soullans
Une autre strophe , faisant allusion à la couleur du cheval de Mr Jodet ,Black Eyes ... terminait :
Mais rien ne me plaît comme d'être
Le front étoilé , les pieds blancs :
Mais si vous voulez me connaître,
Parlez (bis ) au Curé de Soullans

Aux Noces de Diamant , le 6 Juillet I892 , ce sera le chant des adieux chanté avec mélancolie par un ancien vicaire de Soullans , le Bon Père Billet , alors curé du Fenouiller :
Aux combats , à la peine
Jadis associés
Nous parcourions l'arène
Sur nos fringants coursiers
Mais hélas !Aujourd'hui, N..i..,ni .., c est. fini

Mr Jodet ...et le Mauvais Riche !

Avec Mr de Villiers et le notaire Boureau ,on a vu que Mr Jodet n'étaient en rien intimidé par les Notables de la Paroisse et leur situation mondaine !Au bonhomme Louis Thesson , il dira carrément son fait ...Voici l'anecdote.
Ce maréchal taillandier était aussi , murmurait on , banquier à la petite semaine ... Soudant lopin à lopin et maison à maison , il était passé le richard du Bourg . Ce qui ne l'avait pas guéri d'une parfaite sécheresse de cœur . Si dur se montrait il que les Soullandais , par la plus cruelle des antiphrases l'appelaient :"le Petit Bon Dieu ". A la St Michel I86I , un pauvre journalier du Moulin Neuf , qui n'avait pu payer la ferme de son creux de maison se trouva sur le carreau , sans savoir ou nicher sa petite famille .En désespoir de cause , il se risqua à aller crier sa détresse à Thesson , dont une bicoque était à louer . Le malheureux ! Pour s'entendre dire froidement : Un homme dans ta position s'adresse à Thouzeau : il fait des petites maisons qui ne coûtent pas cher et ou on demeure longtemps !
Thouzeau était le ...fossoyeur! La cruauté du grippe-sou donna froid aux gens de cœur .Ce mortel péché contre la misère criait vengeance .Mr Jodet se chargea de l'affaire, quoique Mr Thesson fut depuis 20 ans secrétaire ou trésorier de la Fabrique ! Au premier dimanche , son sermon prenait pour thème la Parabole du Mauvais Riche et du Pauvre Lazare . Avec des gloses si transparentes et si vengeresses que le coupable , à son banc , baissant la tête et courbant l'échine , sous les regards indignés de la paroisse ... se crut transporté au seuil de l'enfer !
Deux ans plus tard , d'ailleurs , Thesson allait , lui aussi habiter l'une de ces maisons que faisait Thouzeau aux riches comme aux pauvres .