PRETRE ..INCONNU ..DES CLASSES

A Noël I798 , un autre prêtre déporté d'Espagne débarquait au marais . Longtemps ,il restera inconnu . Des semaines et des semaines , il sera caché à la métairie des Classes où il établira son quartier. Là effrontément il disait la messe aux gens chez André Martineau , ce petit Driot , qu'on aurait pu croire patriote puisqu'il était 1'un des trois adjoints de Soullans ...
Ce prêtre des Classes dont on cachait l'identité, sera même pris par des mouchards . Pour l'ancien prieur de Soullans : Mr GUILLON . Or Mr Guillon , à l'époque était toujours en Espagne .. D'après une enquête de Bironneau qui avait intercepté à la poste de Challans une de ses correspondances , il y a tout lieu de croire qu'il, s'agit de :Antoine La Barre , ancien curé du Perrier . Dans cette lettre en effet , il annonçait son départ d'Espagne pour le marais . Bironneau ajoutait d'ailleurs dans son enquête : Si le dénomné La Barre s'aventure au pays , il n'ira pas loin , car tous les patriotes ont en main son signalement : 5 pieds 3 pouces de taille, front relevé , menton rond , bouche longue et vermeille , yeux bleus, sourcils clairs ,cheveux châtains et gris, ajoutant toutefois :"depuis I792 il a pu changer,!"
Un qui savait tout ! C'était le petit Driot ! Mais Driot était trop fin pour se confesser à Bironneau ..Bel et bien , il cacha des semaines et des semaines le prêtre inconnu dans sa maison des Classes et les gens du pays eurent la Messe !Simple contact qui suffit à ranimer la hardiesse religieuse des Maraîchins . Le I5 Ventôse (5-3-I799) Bironneau dût informer le Département : qu'il s'assemblait dans l'église de Soullans , aux jours ci-devant fériés , un certain nombre de personnes de cette commune et des alentours sous prétexte de faire leurs prières !...

LE FABULEUX MESSAGE

La Messe des Classes après celle du Clouzil était naturellement restreinte à quelques privilégiés . Pour l'ensemble des chrétiens de Soullans , il n'y avait ni messe ni vêpres . La semaine chrétienne était même abolie . Avec leur "décadi" tracassier et païen les Jacobins entendaient effacer jusqu'au souvenir du dimanche . Nos anciens ne pouvaient se résigner à cette ambiance païenne .Jamais le malengré de vivre sans pratique religieuse ne battit davantage l'âme maraîchine ..
Pour comble , à l'automne I798 , des mains mystérieuses répandirent sous le manteau petit imprimé singulièrement propre à nourrir cette Collective inquiétude ...Au début du siècle , quelques familles soullandaises gardaient encore cet imprimé parmi les titres notariés de la maison .A le lire nous penserions , nous , à ces fameuses chaînes de Lourdes modernes qui lui ont succédé dans la prétintaille des superstitions.Entr'autres recommandations superstitieuses , la lettre contenait toutefois un rappel des Grandes Vérités Chrétiennes et des Commandements de Dieu ..., mais aussi de terribles menaces contre les chrétiens faibles .N'ayant , plus de prêtres à demeure près d'eux pour les éclairer et les contenir les Maraîchins ne purent faire le partage entre le vrai et le faux de ce fabuleux message .Les plus raisonneurs faiblissaient , impressionnés par tant de menaces amoncelées contre les tièdes !
Tout ce qui savait tenir une plume s'employa ,avec fièvre, à griffonner des copies .Et ce fut bien une autre affaire , lorsque le 25 Janvier I799,un tremblement de terre eut secoué rudement la région !On y vit une relation de cause à effet . Les Prédictions de la Lettre tombée du ciel s'accomplissent !...
Echauffé par cet écrit, tout le Marais réclamait ses Dimanches , ses prêtres et ses églises ! Et ses courriers royaux ,qui toujours le parcouraient , mettaient à profit pour leur cause ces circonstances ..
Ils étaient pourtant toujours traqués par les soldats de Travot ...Tel Pierre Milcendeau - Cadou qui toujours en chasse , malgré ses 68.ans fut trouvé noyé dans un fossé du jardin du Rocher au matin du II JanvierI798 !
Flanqué d'un chirurgien , Bodet Lacroix s'empresse bien de faire accroire ;qu'il n'y avait aucun indice que le mort eut été homicidé , la voix populaire accusa un Tougeron des Mathes , louche indicateur républicain ! Cette fin tragique n'empêcha pas ses émules et disciples de poursuivre la tradition .Tels Barillon des Barbotines ,Le Boiteux Guittonneau des Petites Rochelles , Francis Bret bordier au Pré-Poissonnet ...
Ces guerroyeurs du Marais trouvaient naturellement crédit parmi ceux de leurs anciens camarades de combats qui avaient trop longtemps goûté à la vie d'aventurier pour s'adapter sans regret au train train quotidien !
Et le malaise religieux mettait de leur côté une infinité de braves gens jusque là amis de la paix ... Si bien que tout le Marais était à eux :ils savaient tout ce qui s'y passait et disait ... , et agissaient en conséquence à la barbe des autorités municipales . Rousotte Martineau , une veuve pétrie d'audace et d'astuce qui avait pendu un brandon d'auberge à sa bourine près du bourg du Perrier centralisait les nouvelles et passait les consignes .
Cependant ce désarroi maraîchin faisait la partie belle aux mauvais garçons . Profitant de la situation ,ils se faisaient passer tantôt pour patauds ou déguisés en royalistes et on les voyait dérober le pain , le lard et l'argent des maisons . A la pègre du cru ,vint s'ajouter bientôt celle du large :déserteurs républicains , vagabonds de toute sorte s'abattaient sur le marais tel un vol de corbrejauds affamés !

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