L'ECHAUFFOUREE DE SAINT CHRISTOPHE

Les Manuels des guerres de Vendée s'accordent à voir une première annonce de l'Epopée Vendéenne dans l'échauffourée de St Christophe du Ligneron... Plusieurs gars de Soullans devaient y participer ...Et quelques uns y trouver une mort héroïque ...

QUE S'ETAIT - IL PASSE

Nous sommes au printemps de, 1791 ...A St Christophe le maire , Mr Bouvier montant en grade était nommé Administrateur du District de Challans ...Il fallait lui trouver un successeur . Le curé de St Christophe , Mr Louis Foucher de la Blanchère depuis 47 ans , en poste , touchait à sa fin et n'avait plus conscience des choses ..Par contre son vicaire l'abbé Regain était très populaire .
Le bruit court à St Christophe que les Bourgeois avaient comploté de porter à la mairie un candidat de leur coterie très résolu à poursuivre l'exécution de la Constitution Civile du Clergé ... Et alors , bien sur puisque le curé serait élu, on ferait venir à St Christophe un jureur pareillement le vicaire serait remplacé par un intrus .

L'élection du maire est fixée au dimanche 1er Mai 1791...
D'accord avec le vicaire, Journaliers et métayers décident d'empêcher cette élection de malheur ! Alertés les Patriotes se tiennent sur leur garde ! De Challans de Palluau on fait venir la maréchaussée ..Elle sera dimanche dans la matinée :le vote étant légalement fixé après la grand messe de 10 heures...
C'était compter sans l'imprévu ...Un imprévu que fit naître l'ardent vicaire en chantant ce Dimanche Ier Mai la grand Messe à 6 heures ! !
Quand les gendarmes arrivent c'est trop tard , Depuis des heures déjà c'est 1'émeute à St Christophe : Gardes Nationaux et Patauds se terrent au souvenir des rudes bourrades reçues ..Des valets barricadés dans la clocher sonnent inlassablement le tocsin d'alarme . La place et les ruelles fourmillent de tout un peuple menaçant : hommes , femmes montés des métairies et des creux de maisons . A haute heure ce sera bien autre chose ! Au large le lugubre appel des cloches a été entendu ... De Froidfond de Montpenit et de Soullans , accourent à pleins chemins! des gars brandissant fusils faulx serpes et bâtons , refoulés les gendarmes se sauvent chez Mr Bouvier : à l'abri des hauts murs de son clos . Les gens de St Christophe crient victoire . Les Patriotes le soir , s'humilient à parlementer : Nous désirons la paix , disent, les émeutiers , mais nous voulons garder notre vicaire ...les Patriotes promette de ne pas toucher à Mr Regain...
Le rassemblement se disloqua , chacun s'en retournant dans sa maison . L'affaire aurait dû en rester là Ceux du District de Challans n'eurent pas le grain de sagesse qu'il fallait ! Ils voulurent affirmer leur toute neuve autorité bafouée . La nuit ils firent venir un détachement de Dragons Conti et un demi - escadron de Royal Lorraine Cavalerie ... Toutes les gardes nationales du district et même celles de Machecoul et de Bourgneuf reçurent L'ordre de marcher sur St Christophe en un mouvement convergent... Au matin du 2 Mai ce déploiement de troupes met les esprits à l'envers ! Les Brigands ont envahi St Christophe ... Il disent les uns . On va chasser les bons prêtres ...assurent les autres...Les têtes s'échauffent : une étincelle pourrait mettre le feu aux poudres

LA CONVERSATION DU GUE AU ROUX

Au matin du lundi 2 Mai 1791 passe au Gué au Roux la Garde Nationale de St Gilles ..le jardinier du lieu : Guillaume Gaillard (bisaïeul d'Emma Gaillard , mère de Pierre Grossin ) aborda hardiment les officiers qui la menaient : Henry Collinet (maire de St Gilles le futur propriétaire du Retail) ... et Jean Marie Raffin ...
Le dialogue suivant s'établit ainsi , conservé aux archives nationales :

- Où allez - vous donc ainsi , Messieurs , avec cette , troupe de gens ..?

- A St Christophe , pour porter la paix et la tranquillité à cette paroisse égarée

- Mais c'est vous qui fomentez le désordre ! Vous ne serez pas toujours les plus forts . Vous voulez changer la Religion . Il n'en sera rien . Autrement il se versera bien du sang . Les bons prêtres que nous avons nous les garderons aux dépens de notre vie . Messieurs faut absolument des supérieurs

- Des supérieurs il y en a ..Moi-même , décoré de la qualité de maire , je suis un supérieur , chargé de faire exécuter la loy ..C'est bien de protéger les prêtres ...il faut se soumettre à la loy qui est notre maîtresse ...

- Nos prêtres Messieurs , nous sont donnés par Dieu . Vous n'avez pas le droit de les changer . Il y aura beaucoup de sang répandu ...Si vous les ôtez ...Nous les défendrons jusqu'à la mort .

Ces derniers mots , le courageux jardinier Guillaume Gaillard les martelait et son air enflammé méprisait de haut les menaces de la troupe , irritée de tels séditieux propos ..

La Mort Héroïque de Barillon de Soullans

Pendant que Dragons , Gardes nationaux et Gendarmes montaient à St Christophe , des gars en bandes couraient par les chemins de traverse ... Au galop de sa jument François Cantin avait parcouru les paroisses , sonné le tocsin et indiqué St Christophe comme point de rassemblement,...
Arrivée à St Christophe la troupe sent rôder autour d'elle la foule obscure des paysans aux aguets ... On avait dressé la liste des promoteurs de l'émeute de la veille . Guidés par des Patauds mouchards , les cavaliers de la maréchaussée , fanion rouge de la loi martiale en tête , s'en vont chercher leurs prisonniers dans les métairies . On veut les ramener dans le bourg à force de cris et de brimades. Quand les sinistres cortèges débouchèrent vers les pentes du bourg , des coups partirent et un lot d'hommes jailli soudain d'au delà des terriers leur barrait le passage de 50 faulx, et fourches tendues ... A leur tour les cavaliers firent feu et chargèrent ..Sous cette ruée les paysans cédèrent .. Pas tous .. Quelques uns tiennent bon ... et après un combat inouï , inégal , restèrent sur le champ de bataille ...Parmi eux, trois de Soullans

- Paul Barillon de la borderie de la Gabaterie (époux de Jeanne Eraud) Rougi de sang de ses 22 blessures , le vaillant soullandais ferraillait quand même de sa bonne fourche des fenaisons :
- Rends-toi , lui crie un gendarme
- Rends-moi mon Dieu , lui riposte t'il dans un suprême élan et il expire ....
- Les deux autres étaient
- Jacques Moreau , époux de Louise Charron , du Cailleteau....
- Jacques Eraud , époux de Marguerite Chartier....
Leurs corps ont été inhumés au cimetière de St Christophe Plusieurs tableaux ont célébré ce martyre de Barillon en patois : Barlion puis Guillon ...
Toute l'épopée vendéenne s'ouvre sur cette héroïque page soullandaise
Curé et Vicaire de Soullans .... traqués
L'auteur du cri sublime : Rends - moi mon Dieu avait rendu Soullans , célèbre et fait connaître sa Foi sans compromis ... aussi bien nul jureur n'osa briguer le poste ...

Mr Noeau et son vicaire , Mr Ligné continuèrent d'exercer leur ministère quelque temps encore : jusqu'au 3 Mars I792 , on note qu'ils perçurent l'un , et l'autre leur pension de curé et de vicaire : respectivement : 2,479 livres 10 sous et 70 pistoles ...
Au grand scandale et la grande colère des autorités patriotes , l'église de Soullans devint même le point de ralliement des fidèles de Challans , Commequiers et des Habites , affligés de curés intrus ou assermentés ... Si bien que le curé de Soullans annonça , pour 1792 , l'ouverture des Pâques dès le commencement du Carême! Furieux les Administrateurs de Challans adressèrent un rapport à ces messieurs du Département de la Vendée leur demandant ... le rappel des prêtres de Soullans ! ! ! le 24 Avril 1792 , Mr Noeau recevait l'ordre de se rendre en surveillance à Fontenay .. Dès le lendemain , pour pourvoir a son remplacement le procureur syndic de Challans s'empressait d'écrire à Mr Puyo curé jureur de la Haye Fouassière pour lui offrir Soullans , une belle paroisse ou il y avait une foire tous les mois.... Préférant Bois de Cené , Mr Puyo refusa .

C'est à cette occasion que Mr Noeau lança du haut de la chaire la solennelle mise en garde que les souvenirs des anciens ont retenue : N'écoutez pas ceux qui viendront à ma place ce ne seront pas des pasteurs mais des loups ravisseurs ...
Le bonhomme Jean Blais des Essèpes prit si fort à la lettre la consigne de Mr Noeau ...que par la suite , il refusa obstinément de communiquer avec les curés de Soullans ..à l'article de la mort il ne désarma pas et il fallut pour lui donner les derniers sacrements le curé ...de Rié ....

Mais Soullans ne voulut pas laisser partir son curé ...et fît tant et si bien que la Municipalité prise d'alarmes , résolut malgré la fièvre de son zèle pataud , d'intervenir en faveur du réfractaire ...Le 7 Mai 1792 , une délégation conduite par Pierre Guesneau , notaire royal , maire , se rendit à Challans demander le maintien à Soullans de Mr Noeau .
Rien n'y fit . A Challans on trouva même la démarche illégale . Soullans ne désarma pas pour autant...Par deux fois : les 12 et 17 Mai le procureur y envoya, mais en vain , une brigade entière de cavaliers de la maréchaussée ...Dans la crainte d'un malheur ,Mr Noeau décida de partir...
Après avoir réparti son mobilier en dépôt chez Jean Pitaud menuisier , Jacques Poitevin maçon et chez Mme Vve Latouche de la Davière ...il laissait la paroisse aux soins de son vicaire : Mr Ligné ... et se constituait prisonnier ...De brigade en brigade des gendarmes le menèrent jusqu'à Fontenay chef lieu du Département ...
Ce fut alors pour lui la vie étroite et monotone des prêtres insermentés mis en surveillance... De quoi mourir d'ennui .,.Et Mr Noeau avait 33 ans ! Aussi la tentation était forte à certains jours de prendre lui aussi ...la clef des champs , comme tant et tant d'autres et de retourner , bien sûr, à Soullans ....

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