MADAME MARIE - RENEE DUBOIS VEUVE PETITEAU

Avec elle la Vendée Catholique ..et Soullans vénèrent une martyre de la franchise et de la sincérité chrétienne : elle a préféré la mort au mensonge ...
Elle habitait le logis du Grand Marais (disparu actuellement) et qui se carrait en contre bas du Bâtiment ,propriété actuelle de Mr et Mme Daniel Vrignaud ...
Assez simple : 3 chambres de rez de chaussée en pierres brunes des Rochelles , flanquées de communs en appentis , cette maison maraîchine ( située dans le jardin maraîcher de Mr et Mme Michel Burgaud), n'avait de logis que le nom ! Si bien que les Soullandais d'alors l'appelaient : le logis ensermonné :le mal nommé !
Marie-Renée Dubois était la fille de Joseph François Dubois et de Marie Angélique Jolly : famille de I4 enfants à qui appartenait ce logis du marais .Famille qui était également cousine des Dubois de la Guinardière ...
Son mari :elle s'était mariée en I777 , était François Petiteau procureur fiscal de la Cour du Fief Thaveau , notaire et homme de Loi de Mr Juchault des Jamonnières , seigneur du Bois de Soullans .Si bien que le ménage habitait plus souvent les dépendances du Bois que le Grand Marais ...
Mr Petiteau avait également la Chapellenie des Bonnins , comme héritier sans doute de cette généreuse famille qui avait donné ce bénéfice à Mr le curé Guillon qui le possédait encore en I790
Très charitable , Mr Petiteau décédait victime de sa charité en I786 ...En effet ,au mois de Septembre I786 , un jour de donnée aux pauvres comme il se haussait pour atteindre un pain , le ratelier lourdement chargé ( les servantes avaient fournayé la veille) , se détacha et tomba sur lui ...les blessures que ce choc lui avait fait à la tête s'envenimèrent : il en mourut le 5 - 10 - I786 .. Sur sa tombe , taillée en forme de châsse , selon la mode du temps , on voit encore au cimetière l'épitaphe suivant .
Ci-git le corps de François Petiteau
Procureur fiscal
Mort le 5 Oct., I786.
.Priez Dieu pour le repos de son âme

Sa veuve restait à 27 ans , avec trois enfants dont l'aîné n'avait que 2 ans .Le dernier venait de naître à la mort de son père..
Du logis du Bois , elle se retira dans sa maison familiale au Grand Marais . C'est là que la Révolution la trouva , partagée entre l'éducation de ses enfants et les œuvres de bienfaisance .
A l'égal de sa cousine : Mme Dubois de la Guinardière , elle avait l'âme religieuse et haute . Elle trouva naturel d'ouvrir sa maison à Mr le curé Noeau . Là aussi le refuge était sûr .En cas d'alerte la ressource était facile d'une prompte échappée dans le marais proche ..Du Grand Marais , Mr Noeau. fera son bureau ...A Soullans , tout le monde savait cela . Un sens aigu de l'honneur faisait garder le silence aussi bien aux Patriotes qu'aux Royalistes . Aux premiers jours de Mars I794 , les autorités jacobines finirent pourtant par le savoir . La Terreur atteignait son apogée avec Robespierre . Un matin , dans son salon Mme Petiteau fut arrêtée et arrachée à ses petits apeurés ... dont l'aîné n'avait que 8 ans .. Sous bonne escorte , brutalement elle fut conduite au Perrier .Comme elle abordait la Chaussée , deux mauvais sujets la rejoignirent et lui tinrent d'horribles propos au sujet du prieur de Soullans et menacèrent de la tuer à coups de fusil . L'un d'eux était Pontoiseau Barjolle (celui là même qui dénoncera plus tard Milcendeau Cadou en Août I795 .
Le 23 Mars I794 , Mme Petiteau était détenue dans la prison d'arrêt de Challans . A son dossier , elle n'avait que la dénonciation d'une jeune fille : Marie , sournoise drôlesse déjà rompue au vice n'ayant que I2 ans ... et aussi la dénonciation de sa mère : Marie Besseau , femme Savarieau ( la Savarielle comme on l'appelait ) et qui bien des fois avait mangé le pain de la pieuse veuve ... A Louis Raphaël Bodet Lacroix , toujours administrateur du District de Challans ,la Savarielle et sa fille assuraient :
Aux environs des fêtes de Pâques (en I793 , Pâques tombait le 3I Mars )l'ex-prieur de Soullans le sieur Noeau , étant venu faire les Offices dans l'église paroissiale, la citoyenne Petiteau s'était tenue sous le balet ( c'était le porche côté Ouest de l'église dont se souviennent encore les Anciens ) et l'avait invité , au sortir de l'Office à rentrer chez elle pour y prendre son repas ...Les veuves Latouche et Guinardière le recevaient aussi ...Mai quand on voulait parler d'affaires au dit Noeau c'était toujours chez la veuve Petiteau qu'il fallait aller le trouver Cette dénonciation, tout à l'honneur de l'inculpée , n'était pas pure invention calomnieuse : un vieux domestique ce Mme Petiteau qui , depuis était resté longtemps au service de la famille Merland des Sables , racontait qu'un jour l'abbé Noeau , mourant de faim et poursuivi par les Bleus était venu se réfugier chez Mme Petiteau ..Après avoir pris son repas le fugitif avait quitté la maison qui ce jour là n'était pas sûre pour ne pas compromettre la mère de 3 orphelins ....Mais on l'avait aperçu traversant la cour du Grand Marais...
A Challans , Mme Petiteau trouva , dans un compatriote , un ami dévoué ...et inattendu ...dans Charles Merland , pourtant membre de l'administration du District ! Merland ne négligea rien pour la sauver et sans doute , eut-il réussi , malgré tous les obstacles , s'il eut trouvé plus de souplesse dans la conscience de cette femme chrétienne : sa cliente . Il lui conseilla d'abord de se faire oublier dans sa prison ...La Terreur allait à son terme ...Il y aurait sûrement amnistie .Mais poussée par l'amour maternel , la pauvre mère demandait d'être jugée vite à Noirmoutiers , siège de la Commission militaire et révolutionnaire , elle croyait toujours être acquittée : Ce que j'ai fait , disait - elle , ne peut m'être imputé comme un crime capital , puisque je n'ai pas caché le prêtre qu'on a vu traverser la cour de ma maison . Elle espérait aussi que la plus grande partie de la population de Soullans s'empresserait de venir témoigner en sa faveur. La supplication de Merland lui demandant de se faire oublier et gagner du temps ne put ni la fléchir ni la convaincre... Il fallut inscrire Mme Petiteau dans un convoi de prévenus que Challans expédiait à Noirmoutiers devant la Commission militaire . Naturellement la suivait son redoutable dossier avec la déposition de la Savarielle et de sa fille , ainsi qu'un rapport du Comité de Surveillance des Sables qui la notait Grande amie des prêtres réfractaires et de leurs principes anticiviques ...
Le Vieux Château de Noirmoutiers regorgeait tellement de prisonniers que beaucoup de prévenus étaient autorisés à loger chez l'habitant . Mme Petiteau alla gîter chez un citoyen Louis André Viaud qui consentait à répondre d'elle . Mais comme il lui faudrait attendre longtemps son jugement , Mme Petiteau fit venir de Soullans son mobilier afin d'avoir enfin ses enfants avec elle , pendant la durée du procès ..L'inventaire de ses meubles a été retrouvé après sa mort : 6 lits dont un lit d'enfant entr'autres , dans un vieux grenier de Noirmoutiers . A Challans , Merland , homme pourtant ténébreux , navré de la voir partir s'efforça encore d'apitoyer , en faveur de sa protégée , les membres du Tribunal .Au risque de se compromettre , il ne craignit pas d'intervenir près des juges en leur parlant du bien que faisait autour d'elle Mme Petiteau , de ses enfants en bas âge , de la faiblesse de l'accusation...Bien qu'une nouvelle Commission révolutionnaire , plus dure , fut constituée , il y eut un moment d'espoir . Ses juges ne demandaient à l'accusée qu'une seule chose : Nier les faits qu'on mettait à sa charge , spécialement le fait d'avoir reçu chez elle un prêtre insermenté .

Je ne saurais sauver ma vie par un mensonge , répondit Mme Petiteau en noble chrétienne .., Et si c'est un crime d'avoir donné à manger à un malheureux prêtre , traqué et mourant de faim , je l'ai fait ne croyant que remplir un devoir d'humanité .

Ces détails ont été donnés par une vénérable dame , morte presque centenaire en I863 : Mme Geneviève Musset , veuve de Clément Palvadeau , qui avait épousé- le fils de l'honnête citoyen chez lequel logeaient le Président du Tribunal et une partie des membres de la Commission .
Le jugement final traînait .Un 3 ème tribunal , plus terrible encore fut constitué ... Devant lui , Mme Petiteau aura un moment de faiblesse , prise de vertige et de peur au souvenir de ses petits et désespérée , pour se défendre , enfin glissera jusqu'à la délation et le reniement , disant : que c'était contre son gré , que Mr le curé Noeau avait établi chez elle son bureau , qu'elle ne l'aimait pas , qu'elle faisait ce que bien d'autres personnes faisaient à Soullans , comme la veuve Latouche , Pineau Laiguilaudière et autres , que si elle avait vu quelques chefs des Brigands comme Savin et autres : c'est que Savin l'avait demandée ... Défaillance poignante , mais si humaine .

On ne crut pas ses dénégations . Soullans allait tenter un dernier effort pour sauver Mme Petiteau . Le jugement devait être rendu le I6 Thermidor . Les témoins à décharge partirent , mais une tempête retarda de deux heures le passage de Fromentine . Averti le tribunal refusa de surseoir au prononcé de la sentence et quand les témoins arrivèrent , le triste convoi se dirigeait vers le lieu du supplice . Avec 20 autres victimes parmi lesquelles on comptait un certain nombre, de femmes Mme Petiteau avait été condamnée à mort

Plus tard le texte du jugement sera affiché à Soullans

Séance publique tenue en l'Isle de la Montagne
le I6 Thermidor , An II de la République Française
Démocratique et Impérissable
Sur les questions de savoir si Marie Dubois Vve Petiteau âgée de 35 ans , de Soullans district de Challans ,et X X (suivent 20 autres noms ) sont coupables :
I. D'avoir des intelligences avec les brigands de la Vendée .
2. D'avoir provoqué l'emprisonnement et le massacre des patriotes
3. D'avoir provoqué à la destruction de la Liberté et de l'Egalité ,à l'anéantissement de la République Française
L'Accusateur Militaire entendu , et faisant droit à ses conclusions ,la Commission extraordinaire et révolutionnaire condamne les 2I dénommés

A la peine de mort !

Le Comité Révolutionnaire :
Obrumier , Brutus Thierry
Goupil , Joulain
Henri Collinet
L'exécution eut lieu , sur le bord de la Mer à la Claire , à 4 heures du soir !
Les condamnés furent liés deux à deux dans la cour du Château .
Les femmes étaient vêtues de blanc , dit une tradition et chantèrent des , cantiques et le Magnificat jusque sur le bord de la fosse .Comme le cortège funèbre, dit un témoin passait en face de l'église , une jeune fille , la plus jeune des condamnées , se mit à éclater en sanglots . Sa soeur l'embrassa et lui dit : Ne pleure pas , petite ce soir nous coucherons chez le Bon Dieu . C'était Elisabeth de Rorthays de St Georges de Pointindoux ! Le convoi passa devant le prieuré , suivit la rue du Grand Four et le chemin du Bois de la Chaise jusqu'au carrefour de la Croix de St André, la ferme de la Bosse et le Chemin Neuf : La Claire !
C'est là . Au bas du talus de sable une tranchée . Les soldats alignent les condamnés . Un silence . Feu . De grands cris .Quelques uns seulement blessés par la fusillade se débattent . On les assomme du revers des crosses . Charles Burgaud , tisserand de l'Epine hurle : quel mal quel mal. L'un des bourreaux l'achève à grands coups de ferrée sur la nuque .Madame Petiteau , elle , avait été tuée raide d'une balle , pendant que son regard intérieur cherchait , sans doute , là bas , les trois petits qui ne la verraient plus ! C'était le 3 Août I794 .
Sur les cadavres une mince couche de sable fut épandue Les nuits suivantes , une jeune fille de Noirmoutiers , Suzanne Pontié , se donna l'héroïque tache d'enlever à ce charnier les corps des femmes pour leur donner une sépulture plus digne .Dans la suite , n'ayant pu sauver la mère , Merland se fit donner la tutelle des trois orphelins .Pour eux ,il revendiqua les droits mobiliers de ses pupilles : ces meubles consignés à Noirmoutiers , les propriétés de Mme Petiteau à Soullans , le ,Grand Marais et la Guinardière avaient été confisquées ... N'ayant plus de foin pour ses bêtes , le métayer du Grand Marais , le bonhomme Soret avait dû vendre les 6 vaches de la ferme . Sous le Directoire la confiscation fut rapportée si bien que les enfants Petiteau ne perdirent rien des biens de leur mère .

Ministère de Mr le curé Noeau à CHALLANS

Ce ne fut pas seulement à Soullans que Mr Noeau exerça son ministère clandestin et rencontra en son héroïque aventure , des dévouements non moins héroïques habitants de Challans réclamaient ses services et entendaient bien s'acquitter de la juste contre partie qu'appelait cette démarche : l'hospitalité . Cette hospitalité Mr Noeau la trouve en particulier chez Marie - Jeanne Giraudet Vve d'Antoine Billon qui n'hésita pas à ouvrir sa maison au prêtre réfractaire . Dénoncée , elle aussi ne fut pas autrement inquiétée .
Il n'en fut pas de même de Madame de L'Espinay Soullandeau , née Félicité Buor de la Lande au château du Clouzeau , entre Challans et Châteauneuf . La pieuse châtelaine représenta à Mr Noeau la détresse spirituelle des paroisses , presque toutes tenues par des jureurs au des intrus et lui offrit asile en sa maison . Dénoncée Mme de L'Espinay sera écrouée au Château de Noirmoutiers et y succombera de misère le 9 Juillet I794 !

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